Le jeudi 4 octobre 2007, jour qui semblait s'inscrire dans l'histoire à tout jamais après plus de cinquante années de tensions entre les deux Corées, le président sud-coréen de l'époque, Roh Moo-hyun, et son homologue nord-coréen, Kim Jong-II, signaient un document dans lequel ils s'engageaient à promouvoir la paix et la prospérité économique sur la péninsule. Une agence de presse retransmettait même les présentes déclarations : « Le Sud et le Nord partagent la vue selon laquelle ils doivent mettre fin à la situation actuelle d'armistice et instaurer un système de paix permanent. » Les tensions coréennes représentaient dans le monde de l'époque les derniers vestiges de la guerre froide, la paix devant donc clore la page définitive de cette partie de l'histoire et c'était par des pourparlers avec la Chine et les Etats-Unis que cela devait être conclu.

Façade diplomatique, aucun pourparler sérieux ne fut engagé et la promesse de paix partit en fumée. Les relations entre les deux Corées se dégradèrent encore un peu plus au fil du temps pour atteindre un point de non-retour en 2014. L'assassinat du président de la Corée du Sud par un espion du Nord mit le feu aux poudres et les instances internationales ne purent rien y faire. Alors que les Etats-Unis essayaient de calmer leur allié, ce dernier se ferma peu à peu au reste du monde. Et alors que l'armée sud-coréenne était une fois de plus renforcée par l'aide étatique, une milice se mit en place : les Jagaeg. Un groupe de militaires surentraînés, qui avaient la caractéristique de tuer de sang-froid et de pouvoir faire face à n'importe quelle situation. Les mercenaires avaient tout pouvoir, et n'avaient aucun lien avec la véritable hiérarchie militaire, bien qu'ils en fassent partie au départ. Carte blanche, voilà ce qu'on leur avait donnée pour résoudre le problème nord-coréen et ils n'allaient pas s'en priver.

Nous voici en 2016, cela fait un an et demi que les Jagaeg ont été institué. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, les mercenaires ne se pavanent pas dans les rues. Ils ont même une légère tendance à rester enfermés dans leur bâtiment consolidé de toutes les sécurités existantes et qui abrite plus de salles d'entraînement qu'on ne pourrait l'imaginer. C'est une vraie ville où on apprend à tuer et à survivre.

Note : Bien que « collègues », les militaires et les Jagaeg ont pour habitude de ne pas s'aimer. Les premiers les considèrent comme sans maître ni loi et ingérables, les deuxièmes ont l'impression que les militaires sont des pantins du gouvernement.

Mars 2016 – Quartier général de la division militaire de Séoul.

Les chuchotements emplissaient la salle de réunion du quartier général de la division militaire de Séoul. Les sept jeunes hommes présents autour de la table ronde attendaient patiemment le début de cette dernière en se racontant les dernières nouvelles, qui étaient loin d'être bonnes. Le Nord était ingérable, et on craignait de nouvelles vagues de terreur dans la capitale et dans les provinces qui l'entourent. Ils cessèrent pourtant tout bavardage lorsque Jeong Yunho, général en chef de l'armée sud-coréenne, passa la grande porte. Sa présence ici réclamait à elle-seule le silence. Il était l'homme le plus respecté du pays après le gouvernement, si on pouvait encore appeler cela un gouvernement.

Avant de prendre place sur le siège le plus imposant que la salle contenait, il prit avec précaution le dossier que lui tendait son général de corps d'armée, Park JungSu, qui venait d'entrer dans la salle à sa suite. Il recula alors sa chaise et s'assit tout en ouvrant la pochette contenant des informations ultraconfidentielles. Il prit un temps pour regarder chaque membre de l'assemblée, tout en tournant lentement les pages, comme s'il voulait garder en tête leur visage et s'assurer de leur loyauté. A part Park Jungsu, seuls trois lui semblaient réellement familiers du fait d'une fréquentation quotidienne. En effet, les colonels Kim HimChan, Wu YiFan et Kim JunMyeon faisaient également parties de la division de Séoul. Les autres venaient des trois autres grandes divisions de Corée : Choi SeungHyun et Kim JongWoon, respectivement généraux des divisions de Daegu et de Busan encadraient Shim ChangMin, du même rang qu'eux ainsi que son colonel, Lee DongHae, tous deux en poste à ChunChong.

Après ce temps d'observation, où personne n'avait pipé mot, le général en chef décida de refermer la pochette et de prendre enfin la parole, sachant très bien que c'était à lui de démarrer cette réunion. Après tout, c'était bien lui qui les avait convoqués pour cette réunion exceptionnelle. Il releva donc la tête et s'attarda un instant sur les portraits des anciens grands généraux en chef qu'a pu compter la Corée du Sud, cette salle de réunion était recluse dans un bâtiment isolé de la division et très peu de gens pouvaient y accéder. En réalité, seulement ceux qui étaient présents autour de cette table. Une petite dizaine de personnes. Il en revient cependant bien vite à ses hommes et ouvrit enfin la bouche.

- Comme vous le savez, je vous ai convoqué aujourd'hui pour parler des nouvelles que nous ont ramenées les hommes de l'unité de ChunChong à propos de nouvelles infiltrations d'espions nord-coréens dans tout le pays.

Les huit autres jeunes hommes présents dans la salle hochèrent de la tête. Ils étaient des privilégiés, ils constituaient ce qu'on appelait l'élite d'une armée sud-coréenne qui n'avait jamais eu autant besoin d'eux à l'heure actuelle. Ils ne pouvaient donc pas se permettre de faire le moindre faux pas, cela ne leur serait en aucun cas pardonné.

Alors que Jeong Yunho allait donner la parole au général de division de l'unité de ChunChong, Shim ChangMin, afin qu'il fournisse des explications détaillées sur la situation à la frontière des deux Corées, ils entendirent la grande porte s'ouvrir violemment. Les neuf têtes se retournèrent à l'unisson vers les nouveaux arrivants qui n'étaient en aucun cas invités à cette réunion exceptionnelle et qui violaient donc le règlement de la division. Ils devaient avoir une bonne raison pour les déranger de cette manière, qui en passant était loin d'être la plus tendre. Ils eurent alors la surprise de découvrir une jeune femme, entourée de quatre jeunes hommes assez imposants. Alors que Kim HimChan, colonel de la division de Séoul, se levait pour demander prestement aux jeunes gens de sortir, celui qui semblait le plus vieux des intrus, et sans conteste le plus expérimenté, prit la parole.

- Je vois qu'on ne nous a pas attendus pour commencer. Mais continuez, je vous en prie, on ne va pas vous gêner. On va juste s'asseoir ici et vous écouter.

Le ton du nouveau arrivant était ferme et son regard, dur. Il ne s'adressait en réalité qu'à une selle personne dans cette salle, qui voyait d'ailleurs amèrement leur arrivée ici-bas. En effet, le général en chef serrait ses poings sans même s'en rendre compte. Le pire était qu'il savait qu'il ne pouvait rien faire, il avait les mains liées et c'était sans doute ce qui l'enrageait le plus, d'être impuissant face à cette situation. En outre, l'homme qu'il avait en face de lui n'avait plus à faire ses preuves depuis un certain temps.

La bande entreprit de déplacer des fauteuils qu'ils avaient remarqués rangés un peu plus loin afin de s'installer correctement autour de cette table. L'un d'entre eux en prit deux afin d'en donner un à la jeune femme qui était resté sur le côté à observer ses camarades sans même lancer un regard au reste de la salle comme si tout cela l'indifférait. Ils se fichaient bien à ce moment-là du remue-ménage qu'ils provoquaient, ni même du bruit que cela occasionnait, comme s'ils avaient tous pouvoirs. Le général Yunho se leva alors à son tour pour s'approcher de son « homologue », il prit son bras pour l'entraîner à l'écart de la table et de ses collègues et lui chuchota alors, le ton rempli d'incompréhension et de colère :

- Tablo, tu sais très bien que je n'ai pas les moyens de te faire sortir, ni les camarades que je reconnais à tes côtés, tu t'en doutes mais... elle ? Mais enfin Tablo c'est quoi cette connerie encore ? Déjà que vous ne devriez pas être là, et ne me regarde pas comme ça, tu le sais aussi bien que moi ! Mais en plus de cela, tu te permets même d'emmener une femme à nos réunions ? As-tu oublié qu'elles n'étaient plus acceptées dans les hauts rangs de l'armée, et par rares exceptions dans le reste des divisions ?

Le jeune intrus sourit calmement, tout comme ses camarades à côté de lui qui n'avaient évidemment pas perdu une miette de la réprimande du général en chef. En réalité, seule la jeune femme resta de glace face à ses paroles. On pouvait même en venir à se demander si elle les avait seulement entendues. Le dénommé « Tablo » planta alors ses yeux dans le regard du général en chef et prit un ton posé mais menaçant, ce genre de ton qui vous fait frissonner rien qu'à l'entendre.

- Arrête-moi si je me trompe, YunHo, mais il me semble que tu n'as toujours pas un mot à dire sur mes agissements, n'est-ce pas ? Alors on va faire comme je viens de le dire, je vais m'asseoir tranquillement avec les quatre personnes que j'ai amené et vous allez reprendre où vous en étiez. Votre réunion m'intéresse beaucoup.

Cela eut pour effet de clore la discussion pour le moment. Chacun rejoint sa place, sans un regard haineux de la part du général en chef pour l'intrus cependant, et un lourd silence s'installa. Les militaires ne pouvaient s'empêcher de dévisager la jeune femme qui, elle, ne daignait pas leur porter la moindre petite attention. En réalité, elle semblait plutôt inspecter la bonne tenue de ses ongles, délicatement vernies de rouge. Un rouge bordeaux qui n'était pas sans rappeler la couleur du sang, une fois que ce dernier avait commencé à coaguler. Arrogante, aurait sans doute été le terme qui serait venu à la bouche de ces jeunes hommes si quelqu'un leur avait demandé leurs impressions et, en effet, tout chez la jeune femme respirait l'arrogance. Cela allait de son regard hautain, désintéressé de toutes choses, aux talons de douze centimètres qui habillaient à la perfection ses pieds. Ses cheveux bruns semblaient glisser sur ses épaules grâce à des ondulations nettement marquées, ce qui soulignait d'autant plus la beauté insolente qui caractérisait la jeune femme. Elle était belle, c'était un fait, mais elle n'avait rien à faire dans cette pièce et elle-même ne semblait porter que trop peu d'importance au lieu dans lequel elle se trouvait et aux personnes qui lui faisaient face.

Finalement, la discussion reprit mais cette dernière était loin de ressembler à une réunion ordinaire. Les sujets qu'ils étaient censés aborder étaient loin d'être légers et surtout ultraconfidentiels. Ils ressentaient tous la présence de la jeune femme comme celle d'une intruse et ils se sentaient mal à l'aise de parler de ces sujets devant elle en toute confiance, surtout quand on connaissait la réputation des jeunes hommes qui l'accompagnaient. En outre, Yunho enrageait à cause du comportement de Tablo mais il ne voulait pas lui faire comprendre qu'une fois de plus il avait gagné.

Comme ils l'avaient annoncé en arrivant, les intrus furent silencieux, ils ne dirent rien de toute la réunion et se contentèrent d'écouter ce que les militaires avaient à dire. C'était là une situation qui ne pouvait mettre plus mal à l'aise ces derniers qui auraient sans doute préféré une réaction de leur part. Alors que le général clôturait la séance, les quatre hommes n'attendirent pas les politesses pour se lever. Ils ramassèrent rapidement les quelques affaires qu'ils avaient posées sur la table devant eux. Seule la jeune fille semblait prendre tout son temps pour mettre un à un les stylos qu'elle avait sortis dans son sac. Lorsqu'elle se leva enfin, elle fit malencontreusement glisser sa veste dans son dos avant de la rattraper et de la poser négligemment sur son épaule. Elle était simplement vêtue d'un débardeur et d'un training. C'était peut-être un acte volontaire finalement étant donné que personne ne put alors louper, avec stupéfaction pour les militaires, et une certaine fierté non-dissimulée pour les autres, le tatouage qui ornait son avant-bras gauche : 자객. Jagaeg (« Assassin »). Le choc passé, le général en chef ne tarda pas à réagir devant cette provocation.

- Mais... Mais... Non ! Vous n'avez pas le droit !

Tablo ricana légèrement en voyant l'hébètement et l'incompréhension dans les yeux du leader de l'armée sud-coréenne, ce n'était qu'une petite victoire de plus sur lui de la part du jeune homme et il n'était sans doute pas encore au bout de ses surprises, mais cela il allait s'en apercevoir que plus tard. L'intrus se rapprocha une nouvelle fois de la table, posa fermement les paumes de sa main sur la grande table et regarda fixement, avec une certaine ironie néanmoins, le général.

- Tu as oublié quelque chose YunHo, nous avons tous les droits !

Et alors qu'il se retournait et entraînait ses semblables à prendre sa suite, la jeune femme posa enfin un regard dur et froid sur chaque membre de l'assemblée qui ne put réprimer un frisson. Elle n'oublia personne, enregistrant chaque détail de leur physique. Il y avait quelque chose d'incompréhensible, presque sauvage, dans l'attitude de la jeune femme et cela ne présidait rien de bon pour l'avenir. C'est ainsi que, bien que l'équilibre soit perdu depuis longtemps, tout leur univers bascula. Rien ne serait plus jamais pareil après ce jour-là.

Ce ne fut que quelques minutes après le lever du soleil que plusieurs véhicules noirs s'arrêtèrent devant l'immense grille qui représentait l'entrée principale du bâtiment des Jagaeg. Bâtiment qu'on pourrait plutôt qualifier de cité forteresse de la milice sud-coréenne au vu de sa taille. En temps normal, quiconque n'étant pas lui-même un mercenaire ne pouvait espérer ressortir du bâtiment vivant s'il avait eu l'audace d'y entrer mais la situation avec la Corée du Nord s'étant une nouvelle fois dégradée, les choses étaient cette fois-ci différentes. L'élite de l'armée sud-coréenne venait en effet d'être autorisée par les contrôles postés à l'entrée à pénétrer dans la ville. Les regards des occupants des véhicules, bien qu'experts, ne pouvaient être qu'ébahis devant la sécurité plus que renforcée des bâtiments, et ne pouvaient se sentir que privilégiés d'entrer dans un endroit qui leur était jusqu'alors interdit. De folles rumeurs couraient sur les lieux et personne n'avait jamais pu les affirmer ou les infirmer réellement. Les mercenaires ne sortaient en effet que trop rarement et quand c'était le cas, ils avaient cette habilité à garder silence. Ils ne parlaient jamais de leur métier ni de leur forteresse. Ils étaient surentraînés, en quelque sorte un nouveau genre d'agents secrets.

Les voitures prirent le seul chemin de terre qui leur faisait face, se suivant en file indienne, pour finalement se garer dans ce qui semblait être la cour principale. De ce qu'ils avaient pu observer à travers les vitres, ce n'était pas vraiment la végétation qui étouffait les mercenaires. L'endroit semblait presque abandonné, malgré la modernité apparente des installations. Plusieurs bâtiments se succédaient de toutes parts, et les militaires pensèrent un instant qu'ils devaient avoir des dortoirs confortables avec autant de place disponible pour la milice seulement.

Quand ils sortirent des véhicules, le soleil posait tout juste ses rayons sur le grand bâtiment peint en noir qui leur faisait face et qui semblait être leur lieu de destination. Un écriteau immense paraissait prendre la moitié de la place du bâtiment, il était constitué de deux caractères, 자객 (Jagaeg, « assassin »), peints de couleur rouge bordeaux. Au moins, on en risquait pas de se tromper sur l'endroit et ses propriétaires. Tout semblait plus froid ici, même le vent, qui pourtant était le même qu'en-dehors de la cité, mais psychologiquement les militaires ressentaient des frissons sans même le vouloir. Ils avaient pourtant connu la guerre, mais ils n'étaient pas préparés à ça. YunHo ne s'attarda pas sur l'écriteau, contrairement à ses collègues, et prit la tête du groupe, comme son statut l'imposait. Il était vêtu de son long caporal, doté d'une fourrure autour du cou et de son haut-de-tête de général en chef. Il semblait réellement imposant et cela suffit à motiver ses hommes à rentrer également dans le bâtiment.

L'intérieur ressemblait plus à un ancien hangar qu'à la caverne d'Ali Baba, pourtant cela ne les rassura tout de même pas. Ils s'attendaient à ce que n'importe quoi leur tombe dessus, et pourtant le plafond était immensément haut. Si grand, qu'il ne semblait d'ailleurs pas y avoir d'étages. Très peu de lumière filtrait, ce qui expliquait notamment qu'ils eurent du mal à réellement distinguer les lieux et à habituer leurs yeux à l'obscurité ambiante. Le général en chef fit pourtant comme s'il connaissait parfaitement les lieux et s'approcha d'une estrade alors que plusieurs Jagaeg, sûrement haut gradés, venaient à leur rencontre afin de leur montrer leurs places. Quand ils s'assirent et regardèrent autour d'eux, ils prirent enfin conscience de l'ampleur de la foule mais aussi de ceux qui la constituaient. Avant leur entrée dans le bâtiment, les principales personnalités de l'armée sud-coréenne s'était attendue à trouver une certaine parité des genres parmi les Jagaeg, du fait de ce qui s'était passé à leur dernière assemblée. Pourtant, il n'y avait là que des individus de sexe masculin, y aurait-il un bâtiment pour entraîner les femmes ? Ne se mélangeaient-ils pas ? Ils semblaient pourtant assez proches de la jeune femme de la dernière fois...

Ce qui les étonna fut cependant le sérieux de cette foule. Les Jagaeg avaient été convoqué la veille pour une réunion exceptionnelle qui devait se tenir aux aurores. Bien qu'on les pensait souvent beaucoup trop caractériels et bien trop individuels pour l'armée, les Jagaeg étaient en réalité disciplinés et n'avaient pas l'habitude de désobéir aux ordres. C'est pourquoi, ils se tenaient presque « sagement » debout devant le général en chef de leur milice : Bang YongGuk.

- Normalement, à part ceux qui sont en sortie, tout le monde devrait à présent être arrivé.

Ils détournèrent leur regard de la foule pour voir qui venait de prendre la parole, le ton était rauque et laissait déjà imaginer la carrure de son propriétaire. Ils firent alors face à un jeune homme en marcel et en pantalon de treillis, tenue complétée de bottes de militaires. Les cheveux teintés de blond, le regard noir et les muscles des bras saillants, il savait se montrer imposant. Il ne laissa pas le temps aux militaires de répliquer et continua ce qui semblait être son discours d'introduction.

- La situation avec la Corée du Nord vient encore de franchir une nouvelle étape dans la décadence, c'est pourquoi nous avons décidé d'accepter de travailler avec l'armée afin de mettre tous nos efforts dans la recherche d'espions nord-coréens sur le territoire. Nous savons en effet qu'une dizaine d'entre eux a de nouveau réussi à rentrer sur notre sol malgré les contrôles stricts aux frontières. Je sais que la cohabitation avec nos pairs ne va pas vous paraître facile et vous allez sans doute vouloir leur en faire baver mais je vous demanderais d'être coopératif afin de faciliter la mission et de les reexpédier au plus vite dans leurs propres locaux. Si vous avez un quelconque souci, venez m'en parler d'abord avant de vous jeter à leurs cous.

Les militaires auraient dû se sentir offensés mais au vu des regards noirs que les Jagaeg posaient sur eux, ils se dirent que cette mise au point était sans doute nécessaire. Et puis, de toute façon c'était de notoriété commune que les mercenaires et les militaires ne pouvaient se supporter. Ils n'avaient semble-t-il ni la même vie, ni les mêmes valeurs, ni la même vision des choses.

Malgré la tension apparente entre les deux camps, l'assemblée avait été calme durant toute l'intervention du Jagaeg en chef, ce n'était pas quelqu'un qu'on interrompait. Cependant, il y eut tout d'un coup une grande vague de murmures après que la porte principale ait laissé filtrer de nouveau des rayons de lumière. Un nouveau groupe de personnes venait d'arriver. Les militaires purent alors découvrirent avec stupéfaction, pour ceux qui ne l'avaient pas encore vu, avec curiosité pour les autres, la jeune Jagaeg entourée des mêmes mercenaires que la dernière fois. En tout cas, sa beauté n'était pas une illusion. Elle semblait resplendir dans ces ténèbres, tel un joyau qu'on aimerait posséder. Elle était de nouveau chaussée de talons qui frôlaient la folie, rendant sa démarche féline, un short noir habillé ses cuisses et elle portait un simple tee-shirt ainsi qu'une veste kaki, qui aurait pu appartenir à n'importe quel militaire du sexe féminin. Son maquillage n'était pas outrageux mais il fallait avouer qu'il la sublimait.

Mais encore, elle arborait une attitude arrogante, et ne daigna pas lancer un seul regard aux nouveaux occupants de la salle. Elle leva juste la tête vers le Jagaeg en chef et laissa sa voix prendre possession des lieux.

- Qu'est-ce qu'ils foutent là ?

Cette fois-ci, ce fut tout le monde qui la découvrit. Elle avait en effet gardé le silence pendant toute la tenue de la réunion de la dernière fois. Elle n'avait pas une voix grave comme ils avaient pu se l'imaginer mais une voix étonnamment assez douce, bien que dure et cassante. Son ton était à la limite de l'insolence, mais aucune colère ne transparaissait dans sa voix. Elle semblait vide de sentiments, comme si elle n'était pas capable de ressentir d'émotions.

- Tu devais te douter, Gayoon, qu'à cause des nouvelles informations venant du nord, on allait devoir travailler main dans la main avec l'armée.
- Ça ne m'intéresse pas.
- GaYoon je... Fais des efforts veux-tu. Plus t'en feras, moins de temps ils resteront ici.

Le général de corps d'armée Park JungSu allait réagir quand elle sembla le remarquer. Elle tourna en effet la tête vers lui et planta son regard à l'intérieur du sien. Comme lors de la précédente réunion, elle réussit à lui donner la chair de poule et il ne se souvint presque plus de son nom quand elle mit fi au supplice et regarda de nouveau son supérieur.

- On les avait prévenu pour le Nord, ils n'ont pas voulu écouter, qu'ils fassent face à leurs erreurs tout seuls. Il fut un temps où ils pensaient qu'ils pouvaient tout régler sans notre aide.

Elle ne regarda alors plus une seule fois les militaires et partit dans une autre direction, semble-t-il pour quitter la pièce. Ce que confirma le bruit d'une porte qui claque après qu'on l'ait refermé sans y faire attention. Le Jagaeg en chef laissa un soupire sortit de sa bouche et adressa un signe de tête au petit groupe de mercenaires dernier arrivé pour les autoriser à prendre la suite de la jeune fille.

- Les militaires occuperont le bâtiment Est pour ceux qui est de dormir, manger, ou toute occupation personnelle. Cependant, nous les autorisons à utiliser les salles communes d'entraînement et je ne veux aucune bataille. Quiconque les défiera devra se présenter à moi, est-ce que j'ai été bien clair ?

Les mercenaires hochèrent à l'unisson et YunHo se demanda un instant si la jeune fille l'aurait également fait si elle avait été encore là. Avait-elle fuit volontairement ce genre d'accord tacite ? Bang YongGuk n'était pas franchement un homme à long discours, il préférait l'action et il mit donc fin à la réunion. Il prit les devants pour présenter les bâtiments aux militaires. C'était en quelque sorte une façon de garder le contrôle sur leur entrée dans ces lieux. Ils allaient devoir y rester un certain temps et ils devaient s'assurer que tout se passerait dans les meilleures conditions. Malgré ces mots, il restait un Jagaeg et n'appréciait guère les fonctionnaires qu'il avait en face de lui. Il était loin de s'écraser et YunHo savait que ce n'était que par intérêt qu'il avait accepté cette coopération. C'était d'ailleurs pour cela que les militaires ici, les mercenaires ayant refusés d'occuper les locaux de l'armée. Une fois la visite finie, il prit le général en chef à part dans son bureau.

- Je connais votre passé avec le colonel Tablo, je sais que vous vous connaissez bien et que vous ne vous appréciez guère. Je vous en serais gré de ne pas laisser cette relation dégrader cette coopération.
- Pour qui me pren...
- Je n'ai pas fini. Si j'accepte cette coopération, c'est seulement parce que nous avons un ennemi commun. Cependant, je tiens à vous rappeler que la milice a tout pouvoir et encore plus dans ces lieux. Je vous respecterais de par votre grade mais ne croyez pas jouer aux donneurs d'ordre que ce soit avec moi, bien entendu, mais surtout avec mes hommes. Ils n'obéissent qu'à moi et à leurs Jagaeg supérieurs.
- Parce qu'elle vous obéit.
- Le lieutenant-colonel Gayoon pourrait bien vous surprendre. Elle semble un peu sauvage quand on ne la connaît pas mais c'est sans doute la Jagaeg la plus fidèle qui soit.
- Je savais bien que vous aimiez les personnalités à part, mais à ce point-là... même Tablo n'arrive pas à l'arrogance de cette jeune fille.
- Colonel, colonel Tablo. Ici aussi on marche par grade.
- Je saurais m'en souvenir. Cracha le général en chef.