L'air était devenu étouffant d'un seul coup durant cette soirée d'été, les cris incessants avaient repris de plus belle, le froid transperçait légèrement mes habits pour me chatouiller la peau, le temps paraissait arrêté comme lors d'un rêve, j'avais l'impression d'être la spectatrice du monde sans y participer. Pourtant tout autour de moi tournait à cent à l'heure sauf mon esprit et mon corps qui étaient légers et calmes, comme reculés et inébranlables face au reste des gens qui m'étaient si différents. J'étais différente et je voulais l'être. Je chérissais ce sentiment plus que n'importe quel autre : je me sentais vivante.
Les néons de Séoul projetaient des lumières régulières et colorés sur le bâtiment et les gens autour de moi, cela rendait l'instant encore plus irréel tandis que mes yeux ne répondaient plus à mon corps et ne faisait que suivre le ballet incessant de ces lumières. L'ambiance était électrique, de plus en plus de gens s'amassaient à proximité tandis que je les ignorais. Je compris enfin pourquoi les cris étaient plus assourdissants, le grand bâtiment en face de moi s'était illuminé et l'on distinguait six silhouettes entrant dans la salle au premier étage, ce qui forçait toute la troupe à lever la tête quitte à avoir un torticolis monstrueux le lendemain, mais ce n'était pas la préoccupation de l'instant, chacun voulait vivre sa vie à l'instant présent et ne pas s'occuper du lendemain, tous étaient heureux d'être ici et ne voulaient gâcher le moment pour rien au monde.
Je reconnus instantanément la personne que j'attendais. Mon visage s'illumina plus que jamais et je me levai d'un seul bond, comme aspirée d'un seule coup par le monde autour de moi auquel j'étais forcée à présent de participer. Mon cœur accéléra son rythme, je ressentais l'excitation ambiante des fans. Je ne comprenais seulement pas pourquoi elles s'excitaient ainsi et je restais neutre comme je le pouvais derrière tout le troupeau, je ne voulais pas être entraînée dans cette horde de gens collés les uns aux autres et beuglant des choses incompréhensibles. Les six membres du groupe, que tous attendaient, se présentèrent à la baie vitrée du studio de radio, mes yeux ne quittaient plus celui qui se trouvait tout à gauche, il m'hypnotisait et je ne sentais plus rien autour de moi. Il affichait un de ces sourires qui vous force à rendre le même, et sans m'en rendre compte il y en avait déjà un qui s'affichait sur mon visage tel une de ces fans niaises devant moi, cependant je n'étais pas de taille à lutter contre cette émotion qui touchait chaque parcelle de mon corps. Je sentais peu à peu que je perdais le contrôle de mon corps, les tremblements qui le secouait se faisaient de plus en plus ressentir et je sentais que mon esprit se détachait du reste, comme si rien ne pouvait troubler l'instant présent. Son sourire était resplendissant et prenait la place de presque tout son visage. Je cherchais à vider mon esprit le plus possible afin de garder cette image le plus longtemps possible dans ma mémoire. Chacun de ses gestes me faisait frémir un peu plus. L'un des membres l'avait pris par l'épaule et je me surpris à vouloir aussi l'enlacer de cette manière, je le désirais du plus profond de mon être, plus rien ne me semblait déraisonnable, j'aurais pu assouvir mes pulsions mais je tentais de les contrôlais ayant une partie de mon esprit encore lucide qui me dictait de rester tranquille comme toujours. Tous se rassirent et poursuivirent l'émission de radio tandis que je restais dans ma position, pétrifiée, l'esprit tellement vide et le corps encore parsemé de spasmes.
Quelques secondes, minutes, heures plus tard, je ne sais pas, ils se représentèrent à la fenêtre pour chanter une de leur dernière chanson : "Power". La musique transperçait ma peau, me faisait frémir et trembler entièrement. Viens ensuite la partie de celui que j'attendais le plus, sa voix entrait dans mon esprit et il n'y eut plus que cela qui comptait dans cet instant si parfait. J'entrais dans une sorte de transe : je le voyais chanter à quelques mètres de moi comme s'il n'y eut que nous deux au monde à cet instant précis, tout ce qui se trouvait autour de moi disparut, les bruits s'estompèrent et mon esprit forma une coquille autour de l'image qui conquit peu à peu tous mon être. Puis, tout devint flou dans mes pensées, le temps avait poursuivit son cours en me laissant derrière dans ma transe.
Je mis un pied devant l'autre lentement, puis recommençais ce geste autant de fois qu'il le fallut pour atteindre ma destination. C'était une véritable épreuve, chaque pas pesait un peu plus lourd et était d'autant plus difficile que le précédent. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, rien ne comptait à présent et je me contentais de suivre mon instinct qui me guidait à travers les passants et me fit entrer dans quelque chose qui allait plus vite. Les lumières de la vie nocturne de Séoul défilaient vite juste à côté de moi mais je ne les voyaient pas, encore dans mon état de transe. Après quelques pas encore je me retrouvais à l'horizontal sur  quelque chose de mou et confortable face à un plafond illuminé régulièrement par des lumières douces que je ne réussis pas à arrêter de fixer. Je me repassais les différentes images de la soirée l'esprit embrumé et fatigué comme toujours, toutes mes pensées s'entremêlaient et se chevauchaient. Mon corps fut encore pris de spasmes légers tandis que mon esprit était totalement coupé du monde extérieur et ne comprenait pas du tout ce qu'il arrivait. Finalement je réussis à m'endormir quelques temps après avec son sourire en tête. Cela durait déjà depuis deux mois et ça n'était pas près de s'arrêter …